Comment des contrôles douaniers français incorrects ont entraîné une perte de 40 milliards d’euros pour le Royaume-Uni
Le Royaume-Uni aurait perdu 40 milliards d’euros en droits de douane sur l’alcool au cours des trois dernières décennies, à cause de gangs criminels et de contrôles insuffisants aux frontières en France, a-t-on appris.
Un tribunal de Lille a condamné 40 personnes à des peines de prison, à des assignations à résidence et à des amendes de 4 millions d’euros au début de l’année, dans le cadre d’une affaire de fraude aux droits d’accises.
Il s’est avéré que les criminels avaient organisé le paiement des droits d’accise – une taxe sur la bière, le vin et les spiritueux – à la douane de Dunkerque en France, au lieu de payer de l’autre côté de la Manche au Royaume-Uni, comme ils auraient dû le faire (puisque les boissons allaient être vendues au Royaume-Uni).
Les droits d’accise sur les spiritueux importés au Royaume-Uni peuvent être jusqu’à 50 fois plus élevés que ceux dus en France.
Les tribunaux viennent seulement de prendre conscience de l’ampleur de ce crime, qui dure depuis plusieurs décennies dans toute l’Europe et qui est en grande partie perpétré par des gangs mafieux.
Pourtant, les taxes collectées en France ont profité aux caisses de l’État, puisque la direction régionale des douanes de Dunkerque a perçu des milliards de taxes auxquelles elle n’avait en réalité pas droit. On estime aujourd’hui que le fisc britannique a perdu jusqu’à 40 milliards d’euros en 30 ans.
Se faufiler dans le tunnel sous la Manche
Ce crime remonterait à la création du marché unique en 1993, qui a supprimé les frontières intérieures de l’Europe et les contrôles douaniers. L’UE a introduit un système de « droits suspendus », qui oblige les entreprises à payer les droits d’accises dans le pays de consommation finale.
Cependant, les chefs de la mafia qui importaient au Royaume-Uni auraient alors trouvé un moyen de payer ces droits en France, car les taxes étaient beaucoup moins élevées sur le continent européen. Les taxes sont alors payées comme si l’alcool arrivait en France au lieu d’être envoyé au Royaume-Uni.
Les cargaisons sont ensuite « passées en douce » par le tunnel sous la Manche dans des camions qui portent tous – illégalement – des plaques d’immatriculation identiques.
Les gangs font entrer l’un de leurs camions au Royaume-Uni en toute légalité, en acquittant un droit d’accise légal au Royaume-Uni. Ils photocopient ensuite les documents légaux afin de créer de multiples copies illégales pour les autres camions.
Cela signifie qu’ils ne paient que la taxe par camion supplémentaire en France (qui, avant 2012, n’était que de 3 000 euros), au lieu des 24 000 euros par camion supplémentaire qui auraient été exigés au Royaume-Uni. L’alcool serait ensuite acheminé vers de petits magasins de proximité au Royaume-Uni, où de nombreuses transactions sont effectuées en espèces.
Ces camions « manquants » sont souvent appelés « camions fantômes » au Royaume-Uni, et on estime qu’ils coûtent 1,2 milliard d’euros par an au gouvernement britannique.
Des obligations compromises
Il est apparu que les douaniers de Calais – le principal port par lequel les cargaisons sont envoyées – vérifient rarement les cargaisons de manière suffisamment détaillée pour identifier le délit, même si l’alcool provient de marques qui ne sont pas vendues en France, telles qu’Oranjeboom ou Stella UK.
Les douaniers français ont souvent nié toute malversation, mais une déclaration récente indique que l’administration est pleinement consciente du problème, et a depuis qualifié les droits d’accises illégalement perçus de « compromis ».
Cette déclaration a été perçue comme un aveu tacite de l’insuffisance des recherches et de l’absence de vérification que les camions censés terminer leur voyage en France se trouvaient toujours dans le pays et n’avaient pas traversé la Manche.
La France se défend-elle ?
Pourtant, le crime s’est répandu dans toute l’Europe après que le ministère français des finances a augmenté les droits d’accises de 3 000 à 8 000 euros. On pense que de nombreux criminels sont partis ailleurs, notamment en Allemagne et en Espagne.
La France a réagi en multipliant les contrôles et les amendes à l’encontre des entreprises qu’elle soupçonne d’opérer illégalement ou qui n’ont pas acquitté les droits d’accises dans le passé, et certains l’ont accusée de faire preuve d’un excès de zèle.
Un homme, Walter Charpentier, transporteur et entrepositaire de boissons alcoolisées à Labourse, dans la banlieue de Béthune (Pas-de-Calais), a déclaré avoir reçu une amende de 8,3 millions d’euros pour avoir été soupçonné d’avoir fraudé les droits d’accises, mais il nie tout acte répréhensible.
Son avocat, Me Jean Pannier, a déclaré à Capital.fr: « Ces accusations sont totalement fallacieuses ».
L’affaire a été portée à Paris, plutôt qu’à Calais, et tous les cas similaires sont traités par Isabelle Braun-Lemaire, la directrice nationale des douanes. Le ministère des finances a déclaré qu’il continuerait à défendre ses employés des douanes et nie toute allégation de fraude ou de perception illégale d’accises.
Certaines affaires importantes ont conduit les enquêteurs jusqu’en Pologne, en Bulgarie, à Chypre, à Belize, à Dubaï et à Hong Kong. En France, au moins quatre distributeurs d’alcool ont été fermés, car il a été établi qu’ils avaient fait traverser la Manche à des dizaines de milliers de camions de manière frauduleuse.
L’année dernière, Gabriel Attal, alors ministre des comptes publics, a contourné la question de la perception frauduleuse d’accises dans le passé, se contentant de dire que les droits d’accises étaient un « sujet compliqué ».
Jusqu’à présent, les juges français ont estimé qu’il appartenait aux pays lésés – tels que le Royaume-Uni – de réclamer les droits d’accises impayés directement, et non aux douanes de Dunkerque.
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