Droit successoral français : L’UE prend contact avec la France au sujet d’une « éventuelle infraction ».
La Commission européenne prend au sérieux une « possible violation des règles de l’UE en matière de succession » par la France en ce qui concerne une loi de 2021 affectant la possibilité pour les non-Français d’utiliser la loi d’un autre pays.
Elle a échangé des lettres avec la France et envisage les prochaines étapes.
Plusieurs personnes ont déposé des plaintes officielles auprès de la Commission au sujet de la loi française qui vise à faire respecter les droits d’héritier forcé français même lorsqu’un testateur a utilisé le droit communautaire pour choisir le droit successoral du pays dont il a la nationalité pour couvrir sa succession.
En pratique, cela signifie qu’un notaire doit contacter tous les enfants désavantagés par le choix d’une loi étrangère et leur demander s’ils souhaitent faire une réclamation sur les biens français.
Cette loi aurait été introduite pour éviter que les femmes et les jeunes filles ne soient traitées de manière inégale dans le cas d’un choix de la charia, mais elle concerne de nombreux testaments de droit étranger.
Une plainte initiale a été déposée par un Connexion lecteur du sud-ouest, suivi par d’autres, ce qui a donné lieu à la publication d’un accusé de réception de plaintes multiples le 15 février 2023.
En règle générale, la Commission prend une décision sur la suite à donner dans un délai d’un an, à moins que l’affaire ne soit particulièrement complexe et qu’elle ait besoin de plus de temps ou d’informations.
Hier, deux semaines après le délai d’un an, la Commission a publié une mise à jour, indiquant qu’elle avait évalué les allégations des plaignants selon lesquelles la loi française viole le droit de l’UE de choisir la loi de leur nationalité et, le 11 décembre, avait contacté les autorités françaises pour recueillir des informations supplémentaires.
La France a répondu le 12 février 2024 et la Commission évalue actuellement cette réponse avant de décider des prochaines étapes.
Cela montre que la Commission envisage sérieusement la possibilité que la loi française constitue une infraction, bien qu’elle n’ait pas encore ouvert de « procédure d’infraction » formelle à l’encontre de la France.
Ce qui se passerait pour les questions de succession déjà traitées après le décès d’une personne – ou conclues – si la loi était abrogée n’est pas clair.
Plus d’informations ici : Que se passera-t-il si la loi française sur les successions est jugée contraire aux règles de l’UE ?
Que dit la loi de 2021 ?
La loi cherche à faire respecter les « parts réservées » pour les enfants prévues par le droit successoral français. Elle prévoit que les notaires chargés de la succession d’une personne devront proposer aux enfants une compensation sur les biens situés en France si un système juridique – tel que celui de l’Angleterre ou de nombreux États américains – est choisi, permettant de léguer librement la succession.
La « part réservataire » est, par exemple, la moitié de la succession dans le cas d’un seul enfant, les deux tiers dans le cas de deux enfants et les trois quarts dans le cas de trois enfants ou plus.
La loi de 2021 concerne les successions dans lesquelles :
- Le testateur ou au moins un de ses enfants était un citoyen de l’UE ou vivait habituellement dans l’UE, et
- Lorsque le droit successoral choisi ne prévoit pas de système de parts réservées pour les enfants.
La loi de 2021 est, plus précisément, l’article 24 de la « loi portant respect des principes de la République », qui a à son tour complété l’article 919 du Code civil.
Elle est en vigueur pour les successions ouvertes (traitées après un décès) depuis le 1er novembre 2021.
Les juristes français l’ont critiquée
Tous les avocats français avec lesquels La Connexion ont discuté de la loi 2021 et l’ont critiquée.
Ils affirment qu’elle complique les questions de succession pour les personnes qui avaient utilisé le règlement de l’UE et qu’elle est susceptible de rendre le règlement de certaines successions plus litigieux. Selon de nombreux juristes, elle semble également contraire aux intentions du règlement européen sur les successions, connu sous le nom de Bruxelles IV.
Le règlement est en vigueur pour les successions ouvertes depuis le 17 août 2015 et de nombreuses personnes l’ont utilisé pour choisir la loi de leur pays de nationalité dans un testament.
Certains juristes estiment que la loi de 2021 ne répondra même pas à son objectif initial, qui était d’empêcher les femmes et les jeunes filles d’être traitées de manière inégale en cas de choix de la charia.
En effet, certains experts interprètent la charia comme incluant une part réservée aux filles, mais cette part est égale à la moitié de celle réservée à un fils.
Au lieu de cela, la loi de 2021 semble affecter principalement les personnes qui ont choisi des lois de pays anglophones. De nombreux lecteurs ont fait part de leurs inquiétudes quant à l’incertitude qu’elle a engendrée.
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