Pourquoi Macron veut-il inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution française ?

Pourquoi Macron veut-il inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution française ?

Le président Emmanuel Macron a déclaré qu’il souhaitait inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution française afin qu’il ne puisse plus être modifié à l’avenir.

Il a confirmé ce projet le dimanche 29 octobre sur X (anciennement Twitter) et a déclaré qu’un projet de loi serait envoyé au Conseil d’État, la cour administrative suprême de France, cette semaine, et soumis au cabinet ministériel d’ici la fin de l’année. Il avait annoncé pour la première fois son intention de procéder à ce changement le 8 mars dernier.

Dans l’allocution enregistrée, M. Macron a déclaré : « Parce que les droits des femmes sont encore fragiles : « Parce que les droits des femmes sont encore fragiles[…]aujourd’hui, je veux que la force de ce message nous aide à changer notre Constitution, à graver la liberté des femmes à recourir à l’avortement. Pour veiller solennellement à ce que rien ne puisse entraver ou défaire ce qui sera irréversible.

« Il assure aussi un message universel de soutien à toutes les femmes qui voient aujourd’hui ce droit bafoué. »

Que changerait le projet de loi ?

M. Macron a déclaré que l’inscription du droit à l’avortement – interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la constitution garantirait la « liberté » des femmes d’accéder à la procédure.

Un spécialiste du droit constitutionnel a déclaré que le projet de loi serait « symbolique ». Anne-Marie Le Pourhiet, spécialiste universitaire du droit constitutionnel, a déclaré à FranceInfo : « Il s’agira simplement d’inscrire noir sur blanc dans la Constitution la jurisprudence du Conseil constitutionnel (la plus haute autorité constitutionnelle en France) ».

La « jurisprudence du Conseil constitutionnel » fait référence au vote qui a eu lieu au Sénat le 1er février, lorsque le sénateur Philippe Bas a présenté une proposition de loi. Le Sénat a voté par 166 voix contre 152 en faveur de l’inscription dans la Constitution de la « liberté des femmes » d’avorter.

L’ajout proposé à l’article 34 stipule « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme d’interrompre sa grossesse ».

Cependant, en partie parce que le Sénat est largement de droite, le mot « droit » (comme dans un droit légal) n’était pas présent. Ce point a été contesté par la gauche, mais la plupart des sénateurs ont salué ce vote comme un succès.

Le Parti socialiste a parlé d’un « grand pas en avant pour les droits des femmes ».

La présidente de l’Assemblée du parti d’opposition La France Insoumise, Mathilde Panot, a salué la victoire sur X, en écrivant : « Historique. Après l’Assemblée nationale, c’est maintenant le Sénat qui a voté l’inscription de l’avortement dans la Constitution ».

Le débat actuel sur la question porte sur la différence entre une « liberté » et un « droit ».

  • Liberté : Un choix personnel, comme la liberté d’aller et venir, ou la liberté de la presse.

  • Les droits : Accordés par les autorités, celles-ci doivent les mettre en œuvre et veiller à ce qu’ils soient garantis pour tous, comme le droit à l’éducation.

Cela signifie que l’inscription de la « liberté » dans la constitution ne garantit pas un « droit absolu ». Avec la « liberté », les législateurs conservent le pouvoir de définir les conditions et les limites.

Cependant, une « liberté » peut toujours être revendiquée devant un juge, ce qui la rend juridiquement contraignante. Or, la « liberté » d’avorter d’une femme pourrait entrer en conflit avec la « liberté de conscience » d’un professionnel de la santé (son droit de refuser de pratiquer un avortement en raison de ses propres convictions), a déclaré le professeur Guillaume Drago, de l’Université Paris II Panthéon-Assas, au Figaro.

Dans ce cas, ce sont les tribunaux qui devraient trouver une solution, et non le gouvernement.

Pourquoi M. Macron a-t-il annoncé cela maintenant ?

Hommage à une avocate féministe

M. Macron a annoncé ces projets dans le cadre d’un hommage national à Gisèle Halimi, une féministe et avocate française qui a contribué à la dépénalisation de l’avortement dans le pays et qui a passé sa carrière à lutter pour les droits des femmes.

Mme Halimi est décédée en 2020 à l’âge de 92 ans.

Le discours de M. Macron a également fait référence à la ‘procès de Bobigny (procès de Bobigny) », une affaire tristement célèbre de 1972 dans laquelle une adolescente, Marie-Claire Chevalier, s’est fait avorter à domicile après avoir été violée (avant que l’avortement ne soit légalisé en France). Quatre femmes, dont sa mère, ont été condamnées pour leur rôle dans cette affaire.

La défense de l’affaire a été assurée par Mme Halimi, et cette affaire a fait date dans la lutte pour le droit à l’avortement en France.

Victoire politique

D’un point de vue politique (ou peut-être plus cynique), cette décision est considérée comme une victoire stratégique pour le président, car elle lui permettra d’éviter un référendum sur le sujet et d’unifier ses alliés politiques, tout en divisant les partis de droite et d’extrême-droite.

Cela lui permettra également de diriger le projet de loi plutôt que de le laisser – comme c’était probable – à Mme Panot, qui avait prévu de faire avancer le projet de loi en février. Cela aurait pu affaiblir le président et le faire passer pour un moins bon leader, car son parti n’aurait pas été en mesure de s’opposer à cette initiative (il a toujours été en faveur du projet de loi).

En prenant le contrôle du projet de loi, M. Macron va maintenant lancer le processus par lequel il sera ratifié par le Parlement, probablement au printemps prochain.

Il cherche également à unifier les partis de gauche, qui se sont opposés à d’autres projets, tels que le récent projet de loi sur l’immigration. Le projet créera également la discorde au sein de l’extrême droite.

Quelle a été la réaction de l’extrême droite ?

Marine Le Pen a déclaré qu’elle était personnellement favorable à l’inscription de l’avortement dans la Constitution, mais il y a un an, la proposition a été rejetée par 23 députés du Rassemblement national, qui ont voté contre.

Plus récemment, elle a qualifié le projet de M. Macron de « totalement inutile ». Elle a déclaré à France 3 : « Cela ne servira à rien parce qu’aucun mouvement politique – à l’Assemblée nationale ou ailleurs – ne demande que la loi soit annulée ».

La France a légalisé l’avortement en 1975. Depuis, d’autres lois ont été adoptées pour améliorer les conditions de l’avortement, notamment en protégeant la santé des femmes, en préservant leur anonymat et en réduisant la charge financière de la procédure.

La grande majorité des Français sont favorables à l’avortement, comme le montre un sondage réalisé en novembre 2022, selon lequel 89 % des personnes interrogées seraient favorables à l’inscription de la liberté d’avortement dans la Constitution.

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