Un garçon de 16 ans indemnisé en France après l’exposition de sa mère au glyphosate
Un jeune Français de 16 ans, né avec une grave malformation physique, a été indemnisé à hauteur de plus de 35 000 euros, a-t-on appris, après qu’un lien de causalité a été reconnu avec l’exposition de sa mère à l’herbicide glyphosate pendant sa grossesse. C’est la première fois que cela se produit en France.
Né en 2007, Théo a un « trou » dans l’œsophage et subit une trachéotomie (tube dans la gorge) depuis l’âge de trois mois. Son œsophage n’atteint pas son estomac et, sans aide, tout ce qu’il avale remonterait et serait inhalé dans ses poumons.
Jusqu’à l’âge de six ans, il a vécu avec une canule (un petit tube) dans la trachée. Sa mère Sabine Grataloup a expliqué à FranceInfo qu’il avait un « risque permanent » d’étouffement, et qu’il fallait « aspirer la canule toutes les 10 minutes le jour, et toutes les 45 minutes la nuit. C’était très dur ».
Théo a subi 54 opérations au cours de sa courte vie, notamment pour l’aider à manger et à parler, car il est également né sans cordes vocales et avec des problèmes au niveau du larynx.
Lorsque Mme Grataloup était enceinte de quelques semaines, avant de savoir qu’elle attendait un enfant, elle a utilisé l’herbicide glyphosate appelé Glyper – une version générique de la marque bien connue Roundup – sur un terrain de 700 m2 dans le cadre de son travail avec les chevaux et de l’équitation. C’est à ce moment de sa grossesse que l’œsophage et la trachée se sont formés.
L’association Commission d’indemnisation des enfants victimes d’une exposition prénatale aux pesticides a établi le lien de causalité entre son utilisation du glyphosate (qui est un « herbicide » et non un pesticide) et les problèmes médicaux de Theo, en mars 2022. L’argent de l’indemnisation provient du Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides.
Mme Grataloup a déclaré : « Nous nous battons depuis des années pour faire reconnaître ce lien, après avoir alerté les politiques, les scientifiques et les autorités sanitaires. Nous avons dû rassembler nous-mêmes toutes les preuves, avec nos avocats, pour répertorier les études sur le sujet.
« Alors avoir cette réponse d’un comité d’experts, dont la compétence et l’indépendance sont indéniables, c’est quelque chose de très, très fort.
« Les études disponibles présentent des lacunes. De nombreuses enquêtes montrent que les organismes de réglementation n’examinent qu’une infime partie des études publiées et utilisent souvent celles qui sont réalisées par l’organisme de réglementation. [pesticide] par les entreprises elles-mêmes. Cela n’a aucun sens.
Elle a ajouté : « Nous n’avons pas fait cela pour l’argent [for ourselves]. Nous allons soigneusement mettre cet argent de côté, et Théo le recevra lorsqu’il aura 18 ans ».
Le devoir de s’exprimer
La nouvelle de l’indemnisation n’a été rendue publique qu’après que Mme Grataloup a découvert que la Commission européenne envisageait de prolonger de dix ans l’autorisation de l’utilisation du glyphosate dans l’UE.
Cela l’a poussée à rendre publics les dommages que l’herbicide peut causer. Auparavant, elle souhaitait garder l’indemnisation confidentielle, de peur de s’attirer des abus en ligne (ce que la famille a déjà subi les quelques fois où l’affaire a fait la une des journaux en 2017 et 2019).
Mais Mme Grataloup – qui vit avec sa famille à Moidieu-Détourbe (Isère, Auvergne-Rhône-Alpes) – a demandé à être indemnisée. a déclaré à FranceInfo qu’elle se sent désormais obligée de s’exprimer.
Elle a déclaré : « J’ai pleuré : « J’ai pleuré [when I heard about the European Commission]. Je me suis dit : ‘Mais comment est-ce possible ? Ils n’ont rien compris ». Derrière ces statistiques, il y a de vraies familles et des malades ».
En mai 2018, la famille a assigné Monsanto – le fabricant du Roundup – en justice. Mme Grataloup a déclaré : « Nous avions le devoir de le faire, avant tout pour Théo, qui devra vivre toute sa vie avec les conséquences d’un produit qui n’aurait pas dû être sur le marché.
« Nous avons aussi le devoir de protéger les enfants à venir, face à la difficulté qu’ont les politiques à réagir de manière efficace et indépendante face à cette menace pour la santé publique. Nous devons arrêter ce produit, pour éviter d’autres victimes ».
Nous ne pouvons plus nous taire
C’est en 2009 que la famille Grataloup a alerté les autorités sur le lien qu’elle soupçonnait entre l’herbicide et les problèmes de santé de Théo.
Elle a déclaré : « Nous ne pouvons plus nous taire : « Nous ne pouvons plus nous taire. Nous ne pouvons plus laisser les politiciens et les journalistes continuer à dire que le glyphosate ne pose aucun problème. Nous nous exprimons pour que les décideurs prennent en compte la souffrance des gens ».
Théo lui-même a même lancé un appel personnel directement au président Emmanuel Macron, l’interrogeant sur sa promesse d’interdire le glyphosate et sur les volte-face qui ont suivi. Il a déclaré : « Je vous le demande : Quand tiendrez-vous vos promesses ? Combien de victimes faudra-t-il encore avant que vous n’interdisiez ce pesticide ? »
RÉVÉLATIONS VAKITA !
Théo, 16 ans, vient d’apprendre que sa pathologie est en lien probable avec le glyphosate que sa maman utilisait lorsqu’elle était enceinte de lui. Il lance un appel à @EmmanuelMacron
Le reportage d’@A2lan_H est à retrouver sur https://t.co/1Np9gevDes pic.twitter.com/6IDLWT7U9A
– Vakita (@vakitamedia) 9 octobre 2023
Au cours du procès intenté par la famille, plusieurs médecins ont témoigné d’un lien possible entre les malformations congénitales chez les bébés et l’exposition prénatale au glyphosate. La décision de la Commission et la reconnaissance de ce lien pourraient maintenant avoir un impact sur le procès en cours.
En France, environ 200 enfants naissent chaque année avec une pathologie similaire à celle de Théo (bien qu’il n’y ait aucune indication que tous ces cas soient liés à l’exposition aux pesticides ou aux herbicides).
Les procédures judiciaires à l’encontre de Monsanto – qui appartient désormais au géant pharmaceutique Bayer – concernant les plaintes relatives au glyphosate sont toujours en cours.
Interdiction imminente ?
Le glyphosate est interdit à la vente aux particuliers en France depuis le 1er janvier 2019. Il reste toutefois légal pour les professionnels. L’UE réexamine son autorisation du glyphosate tous les cinq ans, et s’est jusqu’à présent abstenue de l’interdire aux agriculteurs.
Plus d’informations ici : La France interdit l’utilisation de pesticides dans un plus grand nombre de lieux, y compris les résidences privées
Le président Macron a déclaré en 2017 qu’il interdirait l’utilisation de l’herbicide en France d’ici 2021, mais a par la suite indiqué que cela ne serait pas possible pour 10 % des cas professionnels. Il a précisé qu’il existe des types d’agriculture spécialisés, tels que l’agriculture de conservation (protection des sols contre l’érosion), pour lesquels il n’existe pas encore d’alternatives efficaces.
Les députés français ont jusqu’à présent refusé d’interdire complètement l’herbicide. Toutefois, un produit à base de glyphosate, le Roundup Pro 360, souvent utilisé dans les vignobles, a été interdit à la vente en France à la suite d’une décision de justice rendue à Lyon.
Les procès contre ce produit se multiplient, en France et dans le monde. Notamment, en 2019, Bayer a été condamné à verser 72 millions d’euros à un homme qui avait utilisé le produit pour lutter contre les mauvaises herbes à son domicile pendant des années. Il avait développé un cancer, que le tribunal a considéré comme lié au produit.
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