Qu’est-ce que l’article 49.3 en France et pourquoi est-il à nouveau d’actualité ?
L’article 49.3 controversé de la France, qui a fait la une des journaux à plusieurs reprises cette année au cours d’âpres débats sur la réforme des retraites, est de nouveau d’actualité alors que le gouvernement débat du budget 2024.
Le gouvernement travaille actuellement à l’adoption de son budget 2024, le texte sur les finances publiques. L’un de ses objectifs déclarés est de réduire le déficit public d’un pic de 4,8 % du PIB en 2022 à 2,7 % du PIB d’ici 2027. Cela le ramènerait sous l’objectif de 3 % fixé par l’Union européenne.
Cependant, le Premier ministre Elisabeth Borne a de nouveau suscité la controverse en déclarant aux députés hier soir (27 septembre) : « Aucun groupe n’est prêt à voter en faveur de ce texte essentiel pour notre pays. Il a déjà été rejeté en première lecture. Nous avons besoin de cette loi pour nos finances publiques. Nous ne pouvons pas prendre le moindre risque ».
Elle a ajouté : « C’est pourquoi, sur la base de l’article 49, paragraphe 3, de la Constitution, j’engage mon gouvernement sur l’ensemble du projet de loi de finances publiques ».
.@Elisabeth_Borne annonce utiliser le 49.3 sur l’ensemble du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027. « Nous avons besoin de ce projet de loi pour nos finances publiques. Nous ne pouvons prendre le moindre risque », justifie-t-elle.#DirectAN #LPFP pic.twitter.com/tq66OPfKGg
– LCP (@LCP) 27 septembre 2023
Elle a déclaré que ce projet de loi était une question de « responsabilité », de « souveraineté » et de « clarté » et qu’il constituait un élément important de la transition écologique et des engagements européens de la France.
Mme Borne a eu recours à ce mécanisme controversé à 12 reprises, la dernière fois pour faire passer la très contestée réforme des retraites en mars.
Avant cela, elle l’avait utilisé en octobre 2022, toujours pour faire passer le projet de loi de finances pour 2023.
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Qu’est-ce que l’article 49.3 ?
L’article 49.3 est un mécanisme politique qui peut être utilisé pour faire passer des changements juridiques à l’Assemblée nationale ou au Sénat sans exiger un vote majoritaire de la chambre.
Le premier ministre peut l’utiliser après en avoir discuté avec son cabinet (cabinet des ministres).
Pourquoi l’article 49.3 est-il controversé ?
Il est controversé parce qu’il permet au gouvernement d’imposer un projet de loi sans obtenir l’approbation du parlement.
Selon le côté du pouvoir politique où l’on se trouve, l’article 49.3 peut être considéré soit comme une aide utile pour faire passer une législation importante, soit comme un outil qui muselle le débat démocratique.
Il est également souvent décrit comme « l’option nucléaire », car son utilisation pourrait entraîner l’effondrement du gouvernement si les députés votaient la défiance à l’égard du Premier ministre et obtenaient gain de cause.
Pour aboutir, une motion de censure doit être signée par 58 députés – soit 10 % des députés – dans les 24 heures. Si le gouvernement n’obtient pas la majorité absolue (289 voix ou plus) lors d’un « vote de confiance », le premier ministre doit démissionner.
Jusqu’à présent, Mme Borne a échappé de justesse à deux votes de défiance, suite à l’adoption de la réforme des retraites.
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Pourquoi ce sujet est-il controversé et fait-il à nouveau la une de l’actualité ?
Mme Borne a déclaré qu’elle utiliserait l’article pour faire passer son dernier projet de loi budgétaire, face à l’opposition des partis rivaux.
Le texte étant examiné lors d’une session extraordinaire, le gouvernement disposera toujours de l’article 49.3 pour la session ordinaire qui s’ouvrira la semaine prochaine.
Le gouvernement ne peut utiliser l’article 49.3 que pour un seul texte par session ordinaire, à l’exception des projets de loi relatifs au budget de l’Etat et au budget de la sécurité sociale, pour lesquels il peut utiliser l’article autant de fois qu’il le souhaite.
A l’annonce de l’utilisation du 49.3 par Mme Borne, l’alliance électorale de gauche NUPES (la Nouvelle Union populaire écologique et sociale) a immédiatement annoncé qu’elle déposerait une motion de censure en réponse.
« C’est la pire politique jamais adoptée dans notre pays », a déclaré la présidente du groupe LFI (La France Insoumise), Mathilde Panot. « Soixante-dix milliards d’économies sur le dos des Français d’ici 2027. [A vote of no confidence] est le seul moyen de nous défendre au Parlement.
« Ce texte entraînera des dérives sociales et écologiques que nous ne pouvons pas accepter », a-t-elle déclaré.
Pour être déposée, une motion de censure doit être soutenue par au moins 10 % de l’Assemblée nationale. Elle doit être adoptée à la majorité absolue (289 députés), les votes absents et blancs étant considérés comme des votes « contre ».
Si elle est adoptée, le premier ministre est contraint de démissionner. Depuis 1958, une motion de censure a été votée 61 fois, mais n’a été adoptée qu’une seule fois : en 1962, contre le Premier ministre de l’époque, Georges Pompidou.
La Nupes va déposer une motion de censure après l’engagement du 49.3 par le gouvernement, annonce @MathildePanot (LFI). L’orientation budgétaire donnée par le projet de loi de programmation des finances publiques « est la pire qui ait jamais été faite dans notre pays. »#DirectAN pic.twitter.com/R3LbZXhHbz
– LCP (@LCP) 27 septembre 2023
Le député socialiste Boris Vallaud a déclaré : « Nous avons un gouvernement qui est dépendant à 49,3 », en accord avec la députée verte Cyrielle Chatelain et le député PCF (Parti communiste français) Nicolas Sansu.
« Il faut que le gouvernement prenne conscience qu’il ne peut pas gérer la France avec le 49,3 », a déclaré Bertrand Pancher, président du groupe indépendant et centriste LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires).
Cependant, le principal parti d’opposition, Les Républicains (centre-droit), n’a jusqu’à présent pas montré d’inclination à déposer une motion.
Pourquoi le Premier ministre Elisabeth Borne veut-elle utiliser le 49.3 cette fois-ci ?
Elle fait face à une opposition considérable à son projet de loi de finances, qui a déjà été rejeté une fois par l’Assemblée.
Seul le parti d’extrême droite RN (Rassemblement national) avait laissé entendre qu’il s’abstiendrait lors du vote, mais le gouvernement était réticent à former une alliance avec le RN.
Alors que la loi vise à réduire le déficit public à 2,7 % du PIB d’ici 2027, elle réduirait la dette publique d’un peu moins de quatre points de pourcentage, à 108,1 % du PIB. Cela reste bien supérieur à la limite européenne de 60 %.
Le Haut conseil des finances publiques a critiqué le projet de loi, déclarant qu’il était à la fois « peu ambitieux » et basé sur des hypothèses de croissance « optimistes ».
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